Traduction: "Les vergers en feu"


           A l'occasion de la seconde édition du roman
                                « Les vergers en feu »



« J'aurai écrit un seul livre parfait, si seulement j'en avais été capable », voici ce qu'a déclaré, si je ne me trompe pas, l'écrivain français Jules Renart.
Il reste à présent aux écrivains arméniens à réitérer cette maxime de Renart.
Et à qui, à qui traversera l'esprit de chercher, dans les lamentations d'une mère pleurant sur le cercueil de son enfant défunt les fautes grammaticales ou phonétiques, pour en trouver ou pas... Ou encore dans les traits de son visage crispé par le chagrin de chercher quelques lueurs d'un sourire se souvenant, et d'en voir ou pas...

Gourgen Mahari

28 janvier 1968 à Erevan


                      Conclusion, en guise d'introduction

Dois-je te chanter une berceuse,
Et te déposer dans une tombe royale...
Vahan Teryan

Comme une promesse depuis longtemps donnée, ou
Comme une (…) non réglée à temps...
Yéghishé Tcharents

Plus il s'usait et vieillissait, plus les couleurs du tapis s'embellissaient et il arrivait que Mina, lorsqu'elle emportait ce vieux tapis dans la rivière pour le nettoyer, se mettait à pleurer et avec elle pleurait la langue de Kyores...
Aksel Bakounts



...Non, cet auteur de poésie épique n'a pas souffert de découvrir avec démangeaison une nouvelle planète et non plus il n'a pas souhaité déposer des étoiles du ciel. De quelle découverte ou de quel exploit peut-il bien s'agir, quand notre littérature possède dans un trésor de diamants la « Plaie » du Qanaqerrien1, le « Pays Nairi » du grand Karsien2, s'éclaircit le « Kyores » du Gorisien3 Aksel Bakounts4. Chez les monuments (…) de notre prose patriotique et maternelle, quel édifice nouveau, spirituel peut se vanter de son existence? Pas un seul! Le motif de la création de cette poésie épique en est tout autre:
la jalousie, qui ainsi connue, est l'une des expressions de la faiblesse humaine.
« Le livre est un objet indomptable », me disait une fois Yéghishé Tcharents, lorsque par une chaude journée d'août nous nous trouvions rue Abovyan près de la vitrine d'une librairie récemment ouverte. Dans cette vitrine il y avait parmi les livres disposés son « Pays Nairi ». Je ne sais pas pourquoi mais il me parut que son caractère indomptable employé avait rapport avec son «  Pays Nairi », probablement que pour cette raison outre le livre, aucune « chose » indomptable n'apparaissait dans la vitrine. Aujourd'hui, des décennies plus tard, lorsqu'avec le temps ce livre « Pays Nairi » devient de plus en plus indomptable, lorsqu' à l'oeil nu il apparaît qu'au milieu de ce roman se passent nos chemins du roman de demain, tu sens quel exploit était sa création, un exploit conscient, indomptable. Cela est une colossale super sculpture, où Kars et son habitant sont éternels.
Ainsi, et seulement ainsi, des années après il créa également « Kyores ».

Par une jalousie inconsciente dans les premières années des années trentes, j'ai écrit et publié dans le mensuel «  Verelk » les trois premiers chapitres de mon roman «  La famille du Khan Gourgen ». Jusque là, parmi les verres multicolores, j'avais montré Van dans le livre «  Enfance et adolescence ». Cela ne m'avait pas satisfait. J'ai voulu casser tous les verres et j'ai réduit au lecteur , où qu'il soit né, de cette façon, qu'il ne voit pas seulement Van, mais également qu'il ressente Van, comme je ressens Goris et Kars.

Et pourquoi? Dites vous je vous prie, pourquoi doit vivre un Mazouti Hamo de Kars, un Hast Nerses Bey de Goris, et d'un autre côté doit disparaître dans l'oubli un Ohannes agha Mouradkhanyan? Il était impossible de ne pas personnifier, impossible, de ne pas faire naitre Ohannes agha. Il est né dans la première moitié des années trente et son achèvement arriva trente ans plus tard.
Que me pardonnent les partis encore vivant ou mort, si j'orne pas de couronnes de lumière les têtes de leurs représentants éminents et si je les présente ainsi, tels qu'ils ont été.
Il peut y avoir des objections, prétextant qu'à tel action celui n'y a pas participé, à une autre si, mais n'est-il pas vrai que l'action est l'important, que ce soit celle-ci, celle-là ou une autre. Et que me pardonnent les vanetsis brûlant de nostalgie de Van et vivant aux quatre coins du monde, si dans mon roman les petits personnages ne sont pas présentés comme des saints. Ils ont été humains, et ceci, ce qui est humain, ne leur a pas été étranger.
Avec amour, avec beaucoup d'amour, je prends à mon cou leurs péchés, comme les plateaux de punition et de mes fautes ils contrebalancent.
...Il y avait une ville ( moi je dis Eden, et toi tu dis Paradis ) avec une multitude de milliers d'habitants, lesquels ont aimés la terre et l'eau de leur lieu de naissance, les monastères séculaires et les monuments. Mais un jour cette capitale nairienne enchanteresse est tombée en ruines et sa population paisible s'est dispersé à travers le monde. Voici ce qui s'est passé. Voici aussi ce que j'ai chanté, chanté à coeur ouvert.
Au cours de mon effort de longs mois j'ai nourri mon travail avec la poussière des archives et non aussi je me suis vraiment efforcé avec des aiguilles de trouer ton coeur, lecteur.
Souvent, de nombreuses fois j'ai ri, lorsque il fallait pleurer, pour ne pas briser ton coeur.

Ainsi est la chose.
Et si la fumée de mon « Vergers en feu » m'a réussi à mener à la hauteur des monuments glorieux créés de mes grands ancêtres... A ce moment-là, oui, à ce moment-là le coeur tranquille je peux...vivre.
Et ainsi.

Légende première ou l'entrée du lecteur dans la ville de Van et chez l'un de ses plus modestes habitants, le monde d'Ohannes Agha Mouradkhanyan

                                                           1


Le soir le vent soufflait en provenance de la mer et lorsque la lumière du jour apparaissait, en provenance de la montagne.
A cette époque les feuilles des arbres tombaient et virevoltaient, et pas seulement les feuilles des arbres.